Le témoignage des habitants d’Ecologis

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C’est avec eux que tout a commencé. Volontaires et engagés, animés par des exigences environnementales et sociales, les habitants d’Ecologis ont initié leur aventure avec la volonté de transformer les modes de vie à l’échelle d’un quartier. Ils ont finalement construit leur immeuble en autopromotion, alors que tout était encore à faire, avec dès le départ, la volonté de paver le chemin pour les groupes suivants.

L'autopromotion avec Eco-Logis Strasbourg

Crédit : 2012, Laura Zornitta pour Zest

Retranscription

A Strasbourg, depuis 2000 et pendant 5 ans, un groupe de citoyen s’est réuni pour réfléchir et agir sur leur mode de vie. Après avoir beaucoup réfléchi à ce sujet à l’échelle du quartier, les familles ont choisi de plutôt se concentrer sur un projet d'immeuble. A partir de 2005, les familles ont travaillé collectivement pour rédiger un cahier des charges, un programme architectural de leur projet, recruter un architecte, et monter collectivement l’ensemble du projet. Leur démarche, l’autopromotion, consiste à se substituer au rôle d’un promoteur immobilier : trouver un terrain, concevoir un immeuble avec un architecte, et financer le projet. Leurs exigences environnementales et sociales ont alimenté la complexité de leur dossier. Car si les modèles allemands existaient, ils n’étaient pas transposables tels quels, du fait de la législation française.

« Outre l’aspect convivial, une des exigences des cogérants était un immeuble à la fois écologique et certifié basse consommation. Un soin particulier a été apporté au choix des matériaux. Sur un soubassement en béton, l’immeuble est entièrement construit en bois. L’isolation est quant à elle constituée de laine de bois insufflée. Le chauffage au sol, au gaz, est complété de 20 m² de panneaux solaires, qui couvrent également 60% de la consommation d’eau chaude sanitaire. Pour une famille dans un appartement de 90 m², cela représente environ 300 euros de chauffage par an. La question énergétique a été couplée à une réflexion sur la mobilité. En effet, l'immeuble se situe à la croisée de deux lignes de tram. Beaucoup d’entre nous ont pris un engagement fort sur la réduction des déplacements en voiture, puisque sur 11 logements, il n’y a que 6 voitures ».

L’architecte, après avoir pris les surfaces des uns et des autres, et accommodé les demandes spécifiques rez-de-chaussée sur jardin ou de dernier étage, a composé l’immeuble sur mesure. On le remarque bien, au fait que les portes des uns et des autres ne sont pas alignées ! Tous les appartements sont traversants et disposent d’une terrasse côté sud. Ils bénéficient en conséquence d’un apport solaire important.

L’investissement financier

« Le prix au mètre carré s’élève à 3000 euros. Pour avoir un appartement de 100 m², il fallait donc avoir les moyens d’investir 300 000 euros. On nous dit souvent que c’est cher... mais finalement pour un logement neuf, construit en 2009, en quasi centre-ville, on est dans les prix du marché. L’immeuble comporte beaucoup d’aspects originaux, à la fois parce qu’il est très performant sur l’aspect environnemental, et parce qu’il a beaucoup d’espaces communs, ce qui a aussi une incidence financière assez forte.

Les espaces communs

Pour leurs espaces partagés, les habitants ont opté pour salle polyvalente avec coin cuisine, une chambre d’amis de 10 m², une buanderie, un atelier de bricolage et un parc à vélo. Enfin, un jardin entoure l’immeuble pour le plaisir des enfants et de tous. Préserver un coin de nature en ville est un pari gagné pour les habitants d’Ecologis. « Le jardin est un espace qui permet de se ressourcer. Je m’y sens bien, le fait d’avoir ce repère, de pouvoir cueillir des herbes pour faire une salade… c’est quelque chose qui me rend heureux ».
Afin de gérer au mieux les espaces communs, les habitants s’organisent : « On se répartit le travail, on délègue à 2-3 familles la réflexion sur un sujet qu’elles vont débroussailler (recherches de matériaux, de contact, d’entreprises...). Ensuite, lors des réunions mensuelles, la groupe de travail restitue ses recherches et une décision commune est prise par le groupe.

La vie collective

Contrairement aux idées reçues, les habitants d’Ecologis ne vivent pas "en communauté". « On ne constitue pas une "grande famille", plutôt un voisinage bienveillant. On s’appelle par nos prénoms, on se connait bien, mais on respecte l’intimité de chacun et on essaye d’éviter le phénomène du commérage. C’est une sorte d’entourage élargi qui peut prendre soin de vous, vous interpeller parfois, qui est là, pas loin, en permanence… Donc il y a une notion de solidarité qui est très forte dans le groupe ». « Avant, c’était vraiment chacun pour soi. On allait voir des amis, on s'invitait, mais il fallait toujours que ce soit prévu. Ici, lorsque l'on sort de chez soi, si on en a le goût et si on a le temps, on peut discuter sur les coursives, jardiner à plusieurs, se retrouver à la buanderie faire une lessive ensemble… Il y a vraiment un partage, de l’entraide… par exemple si quelqu’un est malade, il sait qu’il peut compter sur les gens de l’immeuble. Ce qui n’empiète pas du tout sur la vie privée, c’est vraiment ça qui est agréable, parce que nous sommes chacun chez soi, dans notre appartement. Ce qui est important, c’est de conserver une certaine ouverture les uns aux autres, de partager des valeurs de respect, aussi bien de l’autre, que de soi-même, ainsi que pour notre lieu vie. Cela implique d’avoir le gout des échanges, et d’avoir une certaine indulgence pour nos difficultés momentanées, nos mouvements d’humeur… ».

Aujourd’hui, l’immeuble comporte 33 habitants de 3 à 62 ans, répartis dans 11 logements de 25 à 150 m². Deux appartements sont loués. « C’est intéressant, cette mixité, parce que ce sont des gens qui arrivent plus tard dans le projet, qui réinterrogent des choses qui paraissent évidentes au groupe. Ils amènent une énergie nouvelle, d’autres idées et savoir-faires… ».

Après des années de concertation, de recherches, d’effort, d’attente prolongée, les habitants sont aujourd’hui épanouis. Volontaires et enjoués, ils sont un bel exemple d’une transition possible.