Lieu commun, le témoignage de Florence

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Lieu commun, le témoignage de Florence

"C'est dans le quartier des Poteries que se loge la résidence Lieu Commun. Le grand immeuble blanc aligne tranquillement ses balcons de bois noir au dessus d'un vaste jardin partagé. C'est Florence qui nous accueille aujourd'hui dans son salon pour nous raconter le projet. Artiste peintre, et maman solo d'une jeune ado, en faisant le choix de l'habitat participatif en locatif social, elle a pu s'offrir une qualité de vie qui n'était pas à sa portée auparavant.

Un podcast réalisé par Emma Berthaud, pour l'association Eco-Quartier Strasbourg.

Retranscription du témoignage

C'est dans le quartier des Poteries que se loge la résidence Lieu commun. Le grand immeuble blanc aligne tranquillement ses balcons de bois noirs au dessus d'un vaste jardin partagé. Florence nous accueille aujourd'hui dans son salon pour nous raconter le projet.

Je m'appelle Florence, j'habite avec Myriam, ma fille de 12 ans, ici à Lieu Commun, un habitat participatif sorti de terre au mois d'avril 2018. Avant d’emménager ici, j’ai toujours habité dans le privé. Je suis artiste peintre, un statut qui, en général, ne facilite pas vraiment les choses avec les propriétaires. Je devais toujours me contenter d’immeubles un peu vétustes, dans lesquels je devais faire des travaux que je devais négocier avec les propriétaires. J'ai passé de nombreuses années dans des logements humides un peu « pourris », dans des quartiers un peu à la marge ou bien dans des chambres de bonne.

J'ai beaucoup déménagé, j'ai vécu dix ans à Paris aussi avant d'être à Strasbourg.

J'avais fait des demandes de logement social qui n’ont pas abouti, et que je n’ai pas cherché à pousser non plus, car l’idée d’habiter dans un bâtiment en béton, dans un quartier pas forcément très beau, ne m’attirait pas du tout.

Ça faisait longtemps que je rêvais de vivre de manière plus collective, et je n’avais pas les moyens d'acheter. Alors quand j’ai vu une annonce qui proposait un habitat participatif en habitat social, je me suis dit que c’était exactement ce dont j’avais besoin, et ce dont je rêvais depuis très longtemps.

La genèse du projet

C'est un projet qui a mis six ans à se concrétiser. Le groupe s'est créé au fur et à mesure, nous avons mis des annonces et fait fonctionner le bouche à oreille. Le projet de départ a été initié par un architecte qui venait de Paris. Il souhaitait porter cette idée d'habitat participatif en logement social qui n'existait pas encore. S’il a choisi de venir à Strasbourg, c’est parce que la dynamique de l’habitat participatif y était la plus forte et recevait le plus de soutien de tous les côtés. Il a pu rassembler autour de lui l’office HLM Habitat de l’Ill, des soutiens auprès de différentes institutions, et des futurs habitants qui se sont constitués en association. Au début nous étions 4 ou 5, puis il y a eu des départs et de nouvelles arrivées… Certaines personnes sont également venues via la procédure normale de demande HLM, à la différence près que nous demandions à ce que les gens viennent nous rencontrer avant et adhèrent vraiment au projet participatif. Du groupe original, aujourd’hui nous sommes 3.

Le groupe d'habitants

Il y a 15 foyers assez diversifiés : des couples avec enfants, des personnes seules, des familles monoparentales... De tous les âges ! Une personne que je connaissais déjà auparavant a rejoint le projet avec moi, et j’ai appris à connaître le reste du groupe par le biais des réunions de préparation du projet.

La phase de conception

Pendant plusieurs années, on se retrouvait chaque dimanche matin, et une fois par mois avec l'architecte. C'est lui qui nous a vraiment guidés. Dans un premier temps il a commencé par nous rencontrer tous ensemble, puis est allé voir là où on habitait pour comprendre nos envies, nos besoins, notre façon de vivre au quotidien, et comment nous imaginions les choses. Ensuite il nous a fait construire chacun un petit plan, avec des petits carrés que l’on pouvait placer selon nos envies. Ça a été un long travail, de réfléchir, chacun, à l’agencement de son logement dans un premier temps, puis au jardin, puis à l’aménagement des locaux communs… Toutes ces facettes ont été abordées ensemble.

L'aspect architectural

L'immeuble à trois étages, chacun a son logement individuel, qui va de une cinq pièces. Nous disposons, au rez-de-chaussée, d’une grande salle commune avec cuisine. La fondation de France nous a octroyée une bourse pour les équipements. Nous partageons aussi une chambre d'amis, qui est pratiquement toujours occupée ! Dans notre buanderie, nous avons mutualisés les machines à laver dont nous disposions dans nos logements précédents. On essaye également de se constituer, petit à petit, une bibliothèque commune. Nous avons encore un local à vélos, un local à poubelles et une petite partie jardin. Nous y avons planté des arbres fruitiers, et nous prévoyons déjà d’y faire des barbecues. Avant j’avais un jardin communal de la ville de Strasbourg. J’ai à présent pu le laisser à quelqu’un d’autre, puisque j’en ai un en bas de chez moi !

Toute la difficulté de notre projet a été de jongler entre le projet participatif et les réglementations qui incombent aux logements sociaux, et au fonctionnement de notre office HLM, Habitat de l’Ill. Et puis bien sûr avec des contraintes techniques, telles que les arrivées d’eau qui déterminent quand même à peu près les emplacement des cuisines et salles de bain. L’architecte a réussi à combiner toutes ces problématiques, tout en nous laissant le choix entre différentes options lorsque cela était possible. Nous avons aussi appris certaines limites propres à l’habitat social, la liberté n’est pas totale, il faut faire avec la réglementation existante : le type de plantes que l’on peut choisir autour de bâtiment par exemple, où le fait qu’on ne puisse pas installer de bac à sable dans un HLM pour des raisons d’hygiène. Pour ma part j’aurais rêvé d’une maison en terre avec des toilettes sèches ! Mais nous étions évidemment dans cette dynamique de compréhension du contexte, des contraintes, et de faire avec ce qui est possible.

La structure juridique

Le collectif des habitants s'est constitué en association, une démarche nécessaire par rapport à tout l'aspect légal. Il fallait que les rôles soient bien définis, que l’on sache à qui s’adresser en fonction du contexte. L'architecte et la présidente de l'association ont rencontré les partenaires assez tôt dans le projet, et pour ma part j’ai uniquement été amenée à les rencontrer lorsque nous avons présenté le projet à la mairie, afin de départager les candidatures des deux associations intéressées. A part ça, le long du processus c’est l’architecte qui était notre principal interlocuteur, et c’est lui qui était chargé de faire le lien avec les différents partenaires

La vie collective

Les prises de décision sont faites collectivement. Actuellement, nos réflexions sont encore en cours sur notre organisation interne. Nous nous intéressons à la gouvernance horizontale et nous sommes encore en phase de recherches de ce qui existe comme modèle en la matière. Ce n’est pas simple, et cela ne s’improvise pas non plus ! Après l’emménagement, on faisait presque une réunion toutes les deux semaines pour tout mettre en place et s'équiper, bref pour aborder tous les aspects pratiques.  Maintenant nous pouvons ralentir un peu le rythme, nous nous réunissons une fois par mois. C'est aussi l'occasion d'échanger de manière plus informelle, avec du café et des gâteaux. L’idée est, justement, de ne pas se réunir uniquement autour de sujets sérieux, mais aussi simplement pour échanger.  C'est quelque chose qui me plaît beaucoup, et qui tranche avec l’ambiance d’un immeuble classique où personne ne se connaît. Il y a de l'entraide. Moi qui voulais expérimenter le collectif, je découvre beaucoup de choses.

Les liens avec le quartier

Dans le quartier, le jardin collectif qui s’est construit à côté de chez nous nous a demandé de l’aide pour porter le projet. Aujourd’hui il a sa propre association, et il « vit sa vie » de manière indépendante. Mais il y a quand même des habitants de l'immeuble qui en sont membres et qui contribuent à le faire vivre. A crée du lien dans le quartier, puisque le jardin est ouvert. Le reste se fait petit à petit, nous tissons des liens avec des associations locales et avec une AMAP. Il y a déjà pas mal de personnes qui sont venues de l'extérieur. Pas mal de d’habitants de l’immeuble habitaient déjà le quartier, il y avait des enfants dans l’école pas loin, ça s’est fait de façon assez naturelle.