Making Hof, les coulisses du projet

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Making Hof, les coulisses du projet

"Le bâtiment favorise les rencontres au quotidien tout en respectant la vie privée, l’espace et l’identité de chacun." Il a quitté son appartement en centre-ville pour rejoindre le projet Making Hof en autopromotion à Cronenbourg. Retraité et attaché à des relations sociales épanouies, Michel est aujourd’hui un co-habitant comblé. Il nous raconte les péripéties de la phase de conception, et comment s’organise le quotidien de leur vie en collectif.

Ecouter le témoignage de Michel, co-habitant à Making Hof

Un podcast réalisé par Emma Berthaud, pour l'association Eco-Quartier Strasbourg.

Retranscription du témoignage

Aujourd'hui à la retraite, j’ai toujours habité au centre de ville de Strasbourg, dans un grand appartement. Alors comment j'en suis arrivé à envisager d’autres options... L’habitat groupé autogéré était dans l’air dans les années 70 déjà, mon premier point de départ était donc une référence au souvenir de cette époque. Le deuxième déclencheur était l’envie de ne plus habiter en appartement, sans pour autant être intéressé par une maison individuelle. Le lien social m’importe beaucoup, et certes, l’on peut avoir des voisins forts sympathiques dans un logement classique. Mais on le sait, la vie porte souvent atteinte à la qualité des rapports humains. J’avais d’autre part des attentes assez spécifiques vis-à-vis de mon logement.

En 2012, je tombe par hasard sur une affiche : un projet en autopromotion recrutait des habitants. Je prends contact, et l’architecte du projet m’explique le concept en une demi-heure. J’ai tout de suite adhéré à sa philosophie. Son idée était de proposer un bâtiment offrant à tout le monde, propriétaires, locataires, Habitat et Humanisme, la même exposition, le même prix au mètre carré. Ce principe d’équité m’a séduit. On parle évidemment du prix des appartements “nus”, chacun décide ensuite du budget qu’il consacrera aux finitions. C’était d’une simplicité incroyable, et le prix final du bâtiment était extraordinairement compétitif.

La genèse du projet

La résidence est composée de 8 logements : 2 logements appartiennent à Habitat et Humanisme et sont occupés par des locataires, et 6 logements sont en copropriété. C’était l’un des objectifs visés par la municipalité, qui est à l’initiative de ce type de terrains. Elle avait lancé en 2009 l’opération « 10 terrains pour 10 logements durables » pour favoriser l’accession au logement de familles modestes, ainsi que des jeunes familles intéressées par ce genre de projet.

J’ai été franchement surpris que le projet ne soit pas déjà au complet : lorsque je suis arrivé, je n’étais que le 4ème, sur 6 foyers prévu. Comme il s’agit d’un projet en autopromotion, il fallait recruter le reste du groupe nous-même, puisque nous ne passions pas par un promoteur. Pendant deux ans et demi, nous avons communiqué par le biais de petites annonces sur internet, de tractage, ou via l’association Eco-Quartier Strasbourg. Nous avons vu beaucoup de monde, c’était un peu compliqué, car par principe, lorsque vous adhérez à un projet de ce type, vous ne signez rien, vous êtes libre de partir quand vous voulez. Le groupe qui s’est constitué au final était totalement différent du groupe de départ.

Le groupe d'habitants

Nous avons fait le choix de l’intergénérationnalité, la mixité d’âge est bien répartie entre nos 8 familles. Ma compagne et moi-même sommes les plus vieux, mon voisin a 55 ans, et les plus jeunes couples ont entre 35 et 45, avec deux jeunes enfants. La mixité est également culturelle puisque famille est d’origine somalienne et une autre est tchétchène.

La phase de conception

Je suis entré dans le projet alors que l’architecture était déjà ficelée. Ce n’est pas toujours le cas dans ce type de projets, les groupes définissent en général le projet avec l’architecte. Une partie du boulot m’a donc été épargnée. Une fois le groupe final constitué, il y a avait trois tâches principales à valider : la constitution juridique, la recherche d’argent, et enfin, la définition précise des logements. Ce dernier gros travail nous a pris environ un an et demi de réunions hebdomadaires. L’accompagnement d’une AMO nous a énormément aidé. Nous avons gardé la maîtrise de toutes nos dépenses, en faisant parfois quelques boulettes, mais en l’occurrence celui qui s’est chargé de cet aspect au sein du groupe a fait un très bon travail. 

Le premier coup de pelle a été donné 20 décembre 2014, et la construction s’est étalée sur toute l’année 2015. L’emménagement a pu se faire entre février et mai 2016.

L’aspect architectural

Notre bâtiment repose sur des principes de construction écologiques. Il n’est pas neutre, mais il est conçu pour limiter la consommation thermique. Pour le chauffage, nous avons un système de pompe à chaleur. La structure du bâtiment est en béton, et nos murs de façade ont une ossature en bois comblée par des bottes de paille et protégée par un complexe imperméabilisant. Cela nous donne une isolation de presque 50 cm, d’une efficacité redoutable. 

Les 6 appartements font entre 75 et 120m2, et sont en tous en duplex. Chacun est libre de choisir son agencement sur la base de cette configuration. Moi, un de mes rêves était d’avoir une cuisine qui donne sur le jardin. C’est chose faite, et je suis ravi. Je sais apprécier de nombreux détails qui facilitent le quotidien d’un senior, comme le fait de ne pas avoir d’escalier. Le projet me convient pour aujourd’hui et pour mes vieux jours.

La structure juridique

Nous avons choisi la solution juridique de la SCIA, qui fonctionne comme une SCI, mais dans laquelle vous avez en plus des parts qui correspondent à votre logement. Nous sommes passé par le cabinet d’un notaire qui connaissait déjà un peu ce type de montages. Par contre ça a été plus compliqué avec les banques, qui n’était pas du tout familiarisées avec le concept de l’autopromotion. Il a fallu réussir à à dissiper leurs craintes. Les assurances des prêts ont été un obstacles aussi, pour les mêmes raisons. Ça n’a pas été simple ! Mais nous y sommes parvenus. Les mentalités ont sans doute évolué depuis.

La vie collective

La vie collective fonctionne très bien. En hiver on se voit moins, mais il est rare qu’une journée passe sans que je ne parle avec l’un ou l’autre de mes voisins. Mais dès que le temps se fait plus plus clément, on prend possession des espaces extérieurs, et on profite d’instants de partage avec ses voisins. Nous avons une buanderie commune à tout l’immeuble, avec quatre machine et un sèche-linge, mais ce n’est pas une obligation, deux familles ont fait le choix d’avoir leur propre machine à laver. Même si chacun a sa manière de vivre, il nous arrive souvent de fêter tous ensemble des événements : nous avons par exemple organisé une grande fête dans le jardin pour célébrer la rupture du jeûne du ramadan.